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السبت، 1 يونيو 2013



L’INSTANCE   CONSTITUTIONNELLE   DE L’INFORMATION : QUELS ENJEUX
Mohamed HAMDANE
Professeur de Droit de l’information

           L’Assemblée   Nationale  Constituante est entrain  de discuter   actuellement  la partie du projet de la constitution réservée aux instances constitutionnelles  indépendantes. Les articles de la constitution relatifs à l’instance  indépendante de l’information   ont  suscité une polémique entre les initiateurs de cette instance d’une part et le Syndicat National des Journalistes Tunisiens d’autre part. Celui  maintient son  attachement à la mise en vigueur du décret loi numero 116 relatif  à la Haute Autorité de l’Information et  de la Communication Audiovisuelle (HAICA). Il émet des réserves quant à l’opportunité  de donner  à cette instance un statut constitutionnel , et quant  à son élargissement pour englober tous les secteurs de l’information. Il conteste surtout  la composition de l’instance  constitutionnelle  qui va etre élue d’après le projet proposé par le pouvoir législatif  sans participation aucune  de  la part  des professionnels de l’information. Ces craintes de soumission de l’instance  au directives du pouvoir politique  sont certes légitimes et le risque de manipulation de l’instance  par les forces politiques en présence est  probable alors que la révolution a eu le grand mérite de consolider le grand acquis de la liberté d’expression. Mais les  réserves formulées par le SNJT méritent d’etre  revisitées pour  les  évaluer et proposer quelques solutions permettant de dépasser  les divergences existantes.
          
               L’application  du décret loi 116 relatif  à  la HAICA  peut constituer certes une solution  urgente pour  combler le vide juridique grave  dans le domaine de l’audiovisuel . Mais ce décret loi , une fois transformé  en loi, peut etre à tout moment revu par le pouvoir législatif qui va etre  élu et il n’est pas certain qu’il sera révisé  par une autorité politique  pour  lui accorder plus de pouvoir  et d’indépendance . Intégrer l’instance de l’information au sein meme de la constitution  représente l’un des grands acquis de  la révolution à coté de l’ISIE. Accorder à cette instance une place dans la constitution constitue  une reconnaissance  claire et irréversible de l’information et des médias en tant que quatrième pouvoir . Et il est plus difficile de reviser la  constitution et de revenir sur cet acquis important. Plusieurs autres pays africains qui ont passé par  la meme transition démocratique que la notre ont tenu à inscrire cet acquis dans leurs constitutions.

               Quant à la controverse relative aux prérogatives  de l’instance indépendante de l’information  et au domaine de régulation  couvert par cette instance, le SNJT estime  que celle-ci doit se limiter dans sa mission au domaine de l’audiovisuel  à l’image des pratiques courantes dans les pays occidentaux démocratiques. Le secteur de la presse écrite  est autorégulé dans ces pays  par la profession  dans le cadre de conseils de presse  et on peut s’en  inspirer  pour créer un conseil similaire . Cette proposition peut etre effectivement envisageable et défendable. Mais  elle occulte le statut exclusivement privé des entreprises de presse écrite dans les pays occidentaux démocratiques  qui nous servent de référence. Elle occulte aussi le secteur de la presse électronique qui souffre d’une grande anarchie . En Tunisie , l’Etat a historiquement une place prédominante dans tous les secteurs de l’information. A la suite  de son long monopole de l’audiovisuel, l’Etat  assure la gestion des deux établissements publics de la radio et de la télévision  tunisiennes . Après la révolution il est associé à la gestion d’Attunissyia tv, des radios Shems FM et Azzitouna. En plus de l’audiovisuel , l’Etat  gère l’agence nationale de presse TAP. Il gère dans le domaine de la presse écrite  la SNIPE ( avec ses deux quotidiens La Presse et Assahafa) ainsi que Dar Assabah  (avec ses deux quotidiens Assabah et le Temps ainsi que son site web Assabah news). Si on estime qu’une autorité de régulation contrôle et régule les médias privés elle est aussi la garante de l’indépendance des médias publics audiovisuels , écrits et électroniques. D’ailleurs  la profession a tant milité pour revendiquer l’indépendance  de Dar La Presse , de l’agence TAP  et surtout  de Dar Assabah . Réserver le domaine de compétence de l’instance à l’audiovisuel uniquement risquerait de menacer l’indépendance des secteurs des  médias écrits et électroniques  publics . Il est  donc plus  qu’avantageux d’associer l’instance de l’information dans ces secteurs pour garantir l’indépendance de tous les médias publics .Le modèle occidental  n’est pas toujours adaptable à notre contexte  et à l’histoire spécifique de nos médias . Au contraire on peut etre innovants et  servir de modèle pour ces pays. L’instance de l’information pourrait  prévoir dans son organigramme des départements spécifiques pour réguler les différents secteurs : audiovisuel, écrit et électronique.

            L’instance de l’information  pourrait elle se transformer  en un ministère de l’information , comme le craint le SNJT ? Cette crainte est plus que légitime si le pouvoir législatif aurait le monopole exclusif de nomination  des membres de l’instance  en fonction  des forces politiques en présence . Mais il faut reconnaitre d’autre part  que cette instance n’est pas un organe d’autorégulation  pour qu’elle soit dominée dans sa composition par les représentants de la profession. Le  secteur  est certes un domaine intellectuel  dans lequel la liberté de l’information et de l’expression sont primordiales  . C’est aussi  un secteur économique soumis aux règles d’une concurrence sauvage et si les médias échappent au pouvoir de l’argent ils  peuvent etre soumis  au pouvoir plus dangereux de l’argent. C’est aussi une industrie  déterminée aussi par les progrès technologiques  du numérique et de la télécommunication aussi bien dans l’audiovisuel que la presse  écrite et électronique .C’est aussi un secteur de souveraineté culturelle  appelé à défendre la culture nationale ,sa langue et ses croyances . C’est «également un produit  destiné à un public qui doit etre defendu contre la manipulation  et la désinformation . Le monde des médias revet plusieurs dimensions  et  implique plusieurs acteurs . Il est donc important d’impliquer ces différents acteurs  dans la mission de l’instance de l’information à coté des professionnels de  l’information  et des pouvoirs publics exécutif, législatif  et judiciaire.
           Pour assurer l’indépendance effective de l’instance de l’information, on peut s’inspirer du compromis  trouvé par les membres de l’ANC pour constituer l’ISIE et assurer l’indépendance et la transparence des élections . Le pouvoir législatif élu par le peuple pourrait avoir un pouvoir de nomination mais ce pouvoir ne doit pas etre discrétionnaire . Les différents acteurs peuvent etre associés dans cette mission en proposant des candidats soumis à l’approbation  du pouvoir législatif . A coté des représentants de la profession prévus  par le décret loi 116, d’autres acteurs peuvent désigner  des candidats pour faire partie de l’instance :le Président de la République, le Chef du gouvernement, la Chambre du Peuple, le Conseil Supérieur de la Magistrature, l’ISIE ( intéressée par la neutralité politique des médias), le Conseil de la Concurrence ( chargé de veiller à la libre concurrence notamment dans les entreprises médiatiques), l’instance de régulation des télécommunications ,et les organisations  de la société civile défendant la culture  et l’éducation nationales  ainsi que les consommateurs . La diversification  des intervenants dans  la proposition   des membres de l’instance pourrait constituer une garantie  pour l’indépendance de celle-ci . Et les craintes du SNJT seraient certainement moins grandes.
                     Reste à signaler que la mise en vigueur de la HAICA  ou la création de l’instance indépendante de l’information  ne constituent pas une fin en soi . L’ISIE ne peut pas fonctionner sans code électoral  qu’elle est chargée de le mettre en application . Les instances de  régulation de l’information ne peuvent  pas  fonctionner  non plus en l’absence  d’une loi. Une tache encore plus importante attend le législateur  durant les années à venir : combler le vide juridique  flagrant dans le domaine des médias et donner une  assise juridique aux décisions de l’instance de régulation.

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